Marqués de Riscal, la Rioja en majesté : immersion dans une cathédrale du vin ⋆ Les itineraires de Charlotte

Certaines propriétés imposent le respect dès les premiers pas, et Marqués de Riscal appartient à cette catégorie rare. À Elciego, au cœur de la Rioja Alavesa, cette maison historique conjugue l’aura d’un grand nom à une maîtrise remarquable de l’œnotourisme. On arrive curieux, on repart avec l’impression d’avoir embrassé l’essence de la Rioja. Même si, soyons honnête, les amateurs déjà bien initiés pourraient souhaiter un peu plus de profondeur technique.

Reste que l’ensemble est si fluide, si bien pensé, si accueillant, qu’il constitue une porte d’entrée idéale dans l’univers du vin pour un public large : voyageurs, néophytes, familles, curieux. Et c’est précisément la force du lieu.

Un domaine pionnier dont l’histoire continue de s’écrire

Fondée en 1858, Marqués de Riscal fait figure de pilier dans la Rioja depuis plus de 160 ans. Son premier coup d’éclat remonte à 1862. La maison est la première à mettre un Rioja en bouteille. Un geste audacieux qui va contribuer à façonner la renommée internationale de la région. Au fil des décennies, la propriété n’a cessé d’expérimenter, d’avancer, de s’adapter.

La création de la “Ciudad del Vino” en 2006, un vaste ensemble dédié au vin, à l’hôtellerie, au bien-être et à la transmission, marque un tournant majeur. Plus récemment, en 2024, Marqués de Riscal a été élu Best Vineyard in the World, une distinction qui vient confirmer sa place parmi les références mondiales de l’œnotourisme.

Une visite fluide, très accessible et parfaitement orchestrée

La visite, taillée pour un public international, se déroule avec une aisance exemplaire. On sent immédiatement la patte d’un domaine rodé, habitué à recevoir des milliers de visiteurs chaque année. Le parcours suit un fil logique, sans excès d’informations, sans jargon inutile, avec juste ce qu’il faut d’explications pour comprendre les étapes clés de la vinification, du travail de la vigne jusqu’à l’élevage. C’est simple, c’est net, c’est agréable à suivre. Les guides, à l’aise et bien formés, insufflent une énergie très vivante à leur discours.

Pour ceux qui connaissent déjà bien le vin, il est vrai que le propos peut parfois manquer de profondeur. On survole davantage qu’on ne plonge, on explique plutôt qu’on décortique. Mais l’expérience fonctionne très bien dans son intention : donner envie, ouvrir des portes, offrir un panorama limpide et rassurant de ce qu’est la Rioja. Une forme de pédagogie accessible, qui évite la complexité sans sombrer dans la banalisation. C’est un équilibre difficile à tenir — et Marqués de Riscal y parvient.

Les chais : un parcours conçu pour regarder, comprendre et sentir

Dans les chais, la visite gagne en intensité. L’atmosphère change, plus fraîche, plus feutrée. On y découvre l’échelle de production d’un domaine historique et la place fondamentale que l’élevage en fût occupe dans l’identité des vins de la maison. On comprend pourquoi le choix de certaines barriques, comment évolue un vin au contact du bois, ce qui distingue un crianza d’un reserva…Pour les néophytes, c’est une révélation ; pour les passionnés, un rappel bien illustré.

La Botellería : un choc émotionnel et historique

Puis on franchit la porte de la Botellería, cette cave construite en 1860 où reposent les millésimes anciens, dont des bouteilles intactes de 1862. Impossible de ne pas être saisi par ce lieu. Le temps y semble arrêté, suspendu entre couches de poussière et silence de pierre. C’est l’un des plus beaux patrimoines liquides du pays, un morceau d’histoire préservé avec un soin presque cérémoniel. On pourrait y rester des heures à scruter les étiquettes ternies et les niveaux de vin sculptés par le temps.

Une dégustation claire, cohérente, fidèle à la Rioja

La dégustation, en fin de parcours, reflète parfaitement la philosophie de Marqués de Riscal. La gamme présentée est volontairement classique, et c’est précisément ce qui en fait l’une des meilleures introductions à la Rioja. Les vins sont propres, droits, bien faits, sans démonstration inutile. Ils déroulent un éventail de styles permettant de comprendre la région en un regard : le fruit, la douceur des tanins, les élevages intégrés, l’équilibre général qui caractérise les vins d’ici.

Le geste Gehry : l’architecture qui sublime le vignoble

Difficile de parler de Marqués de Riscal sans évoquer l’hôtel imaginé par Frank O. Gehry. Dressé au milieu des vignes, l’édifice déploie ses rubans de titane rose, or et argent dans une chorégraphie métallique qui capte la lumière comme un objet vivant. L’ensemble rompt volontairement avec le paysage traditionnel, offrant un contraste saisissant avec les bâtiments historiques du domaine. À l’intérieur, les chambres jouent la carte du luxe feutré et de la sérénité, avec des vues spectaculaires sur les collines environnantes. Même sans y séjourner, l’hôtel participe à l’expérience. Il transforme la visite en voyage sensoriel autant visuel que gustatif.