Au bord de la Gironde, le Château Beychevelle se dresse avec élégance, comme un navire prêt à prendre le large. Ses jardins à la française, son histoire riche en rebondissements et son chai ultramoderne en font l’un des joyaux du Médoc. Grand Cru Classé en 1855, le domaine cultive l’art de marier tradition et innovation, en gardant toujours un lien fort avec son environnement et ceux qui le font vivre. Beychevelle ne se visite pas simplement : il se découvre, se ressent, s’explore, au fil des vignes, des œuvres végétales ou d’une dégustation en toute sérénité.
Château Beychevelle : le Médoc entre histoire, art et élégance
Une histoire ancrée dans la légende
Tout commence en 1565, lorsque l’évêque de Bordeaux fait construire une chartreuse sur les bords de la Gironde. Très vite, le domaine change de mains, jusqu’à tomber entre celles d’un personnage haut en couleur : Jean-Louis Nogaret de La Valette, duc d’Épernon, proche d’Henri III et Grand Amiral de France. L’homme est puissant, craint et respecté. Selon la légende, les navires croisant au large de son domaine baissaient leurs voiles en signe d’allégeance. « Baisse voile », devenu Beychevelle, aurait ainsi donné son nom au château. Et son logo reprend joliment cette histoire : une gabare (bateau traditionnel de la Gironde) surmontée d’une tête de griffon, animal mythologique protecteur de Dionysos, dieu du vin.

À l’époque, le duc possède l’intégralité de l’appellation Saint-Julien, soit plus de 900 hectares. Mais l’histoire familiale est mouvementée : son fils cadet hérite du domaine, mais dilapide la fortune. Les dettes s’accumulent, et le château est contraint de se séparer de ses terres. Beychevelle ne conserve alors « que » 250 hectares aujourd’hui, dont 90 dédiés à la vigne.
Un jardin digne d’un petit Versailles
Dès 1717, les jardins à la française sont dessinés, inspirés de ceux de Le Nôtre. Avec ses perspectives, ses lignes rigoureuses et ses bassins, le parc vaut à Beychevelle le surnom flatteur de « petit Versailles du Médoc ». Au fil des siècles, le domaine traverse les époques, entre familles nobles, propriétaires bourgeois et transformations modernisantes.
Au XIXe siècle, la famille Guestier fait entrer le domaine dans une nouvelle ère. Les installations sont modernisées, on y organise des fêtes grandioses, des courses de chevaux… et la qualité des vins grimpe en flèche, jusqu’à l’entrée au classement de 1855.

Quelques années plus tard, Marie-Amélie Heine, originaire de Louisiane, tombe amoureuse du domaine au XIXe siècle. Son mari, un banquier parisien le lui offre pour lui rappeler sa terre natale, avec la Gironde en toile de fond évoquant le Mississippi. Nostalgique, elle retrouve dans l’estuaire un écho familier. Elle fait agrandir Beychevelle, enrichir le jardin, construire une volière, une chapelle, une crèche, des maisons pour des employés : un véritable petit village se développe autour du château. Pour motiver les vendangeurs, elle fait même jouer des airs de violon dans les vignes. Une femme de caractère, qui a marqué les lieux bien au-delà des pierres.
Une renaissance contemporaine
Un chai à la pointe, pensé comme un navire
Racheté en 1989 par le groupe japonais Suntory, le château entre en 2011 dans une nouvelle phase de son histoire grâce à une association avec le groupe Castel. Le défi : conjuguer modernité et respect du patrimoine. Un pari réussi.
En 2016, le domaine se dote d’un nouveau chai spectaculaire, conçu par l’architecte Arnaud Boulain. Son inspiration ? Un bateau. Le pont surplombe les cuves, comme un capitaine observant son équipage, avec l’océan de vigne en toile de fond. Et en contrebas, le chai à barriques évoque la cale, immergée dans le silence et la fraîcheur.


Les 60 cuves permettent une vinification parcellaire d’une grande précision, le tout en gravitaire pour limiter les manipulations. Ici, tout a été pensé pour allier performance, durabilité et esthétisme : la lumière naturelle pénètre par de grandes baies vitrées, les matériaux ont été choisis pour leur durabilité : inox dépoli pour limiter l’eau, régulation thermique sans climatisation, intégration paysagère… Un chai écoresponsable et poétique, orné de lustres et tableau en papier japonais et feuilles d’or signés Céline Wright.


Des vins à l’image du lieu : élégants et racés
Trois cuvées sont produites à Beychevelle :
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Château Beychevelle (Saint-Julien, 4e Grand Cru Classé) : élevé 18 mois en barrique, dont 70 % neuves. Complexe, raffiné, il incarne la quintessence du Médoc.
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L’Amiral de Beychevelle, second vin, plus accessible mais déjà très expressif, élevé 12 mois (30 % bois neuf).
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Les Brulières de Beychevelle, en Haut-Médoc, pour une expression plus gourmande et fruitée.

L’encépagement du vignoble (57 % Cabernet Sauvignon, 40 % Merlot, 3 % Petit Verdot) reflète l’équilibre recherché entre puissance et souplesse. Et à la barre de ce beau navire, Philippe Blanc, directeur et winemaker, veille avec passion depuis 30 ans. Une figure emblématique du château, qui connaît chaque parcelle, chaque souche, comme s’il les avait plantées lui-même.
L’art au cœur du domaine
À Beychevelle, l’art est partout. Dans les jardins, notamment, où les arbres morts deviennent œuvres d’art. Trois séquoias géants, en fin de vie, ont été sculptés sur place pour devenir « Les Trônes », (clin d’oeil aux fans de Game of Thrones). Une manière poétique et engagée de donner une seconde vie à ces géants.

Mais également dans l’ancien chai et la boutique, deux œuvres réalisées à parti d’un pacanier (arbre à noix de pécan) offert jadis par Thomas Jefferson !

Autre œuvre marquante : le Géant de Beychevelle, une sculpture de 4,5 mètres également réalisée par Mier Soleilhavoup, artiste plasticien, à partir d’un frêne malade, de piquets de vigne et d’écorce de séquoia, imaginée comme un bateau prêt à prendre le large. Des créations puissantes, symboles d’un attachement profond à la nature et au lieu.

Le parc est ouvert tous les jours, gratuitement, et mérite à lui seul une visite. Il est certifié éco-jardin, un label créé avec le ministère de la Transition écologique, récompensant une gestion durable et innovante des espaces verts. Sols, biodiversité, maîtrise de l’eau… tout est pensé pour que le visiteur comprenne les enjeux environnementaux d’aujourd’hui et de demain. Une belle manière d’allier patrimoine et pédagogie.
Et pour en profiter au maximum, une merveilleuse table sculptée dans l’un des séquoias ayant servi “aux Trônes”, est à la disposition des visiteurs pour pique-niquer, et croyez-moi, c’est un moment magique à partager !


Une expérience œnotouristique soignée
Loin de se reposer sur son prestige, Beychevelle soigne avec attention son accueil. Plusieurs formules de visite sont proposées, toutes sur réservation :
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“Visite de l’Amiral” : 40 € – 1h, visite + dégustation des 3 vins de la gamme
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“Secrets d’initié” : 65 € – dégustation à l’aveugle de 4 vins + visite
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“Accords” : 80 € – dégustation de 4 vins avec fromages + visite guidée

Et pour les groupes à partir de 6 personnes (et jusqu’à 80 convives) , une expérience sur-mesure exclusive est possible : La Table de Beychevelle, un moment suspendu au cœur du Château, entre gastronomie et dégustation, avec possibilité de nuitée sur place (sur devis uniquement).


Et même… une rose
Impossible de finir sans mentionner la Rose de Beychevelle, une création culinaire unique. Très aromatique, aux notes citronnées, elle se vend dans la boutique du château, autour de 30 €. Un joli clin d’œil à l’alliance entre nature, raffinement et audace qui caractérise l’esprit Beychevelle. J’en ai planté un plan dans mon jardin, j’ai hâte de cuisiner avec !

À Beychevelle, chaque détail raconte une histoire.
Celle d’un domaine qui a traversé les siècles, d’un terroir sublimé avec respect, d’un lieu où l’art, le vin et la nature vivent en harmonie. Une visite s’impose… et il y a fort à parier que vous aussi, vous baisserez symboliquement les voiles devant tant de beauté.
Réservation :
Site du Château Beychevelle
Téléphone : +33 (0)5 56 73 20 70
E-mail : [email protected]