Et si, cette semaine, on troquait nos repères vineux pour une bulle normande ? Direction l’Orne, aux confins du Perche et du Pays d’Ouche, pour redécouvrir une pépite trop souvent oubliée : le poiré. Léger, vif, subtilement aromatique, il joue la carte de la finesse face au cidre, son cousin plus rustique. Et quand il est signé par le Domaine du Tertre, il devient carrément irrésistible.
Le poiré, l’autre effervescent normand
Un rappel s’impose : le poiré n’est pas un « cidre de poire », mais une boisson à part entière, obtenue par fermentation du jus de poires à poiré. Dans le verre, il gagne en délicatesse ce qu’il perd en puissance. Plus aérien, plus cristallin, il séduit par son effervescence légère, ses arômes floraux et sa fraîcheur fruitée. Là où le cidre joue la rondeur de la pomme, le poiré trace sa voie : nerveux, droit et infiniment digeste.
Le Domaine du Tertre, mémoire et renouveau
Installé à Mahéru, sur les contreforts des monts d’Amain, le Domaine du Tertre porte en lui une histoire séculaire. Mentionné dès le Moyen Âge, il a connu son âge d’or au XIXe siècle, lorsque ses calvados s’invitaient sur les plus belles tables parisiennes – de Drouant à Lapérouse. Après un long déclin, la famille relance l’activité dans les années 1990 avec une ambition claire : redonner toute sa noblesse au patrimoine cidricole et poiricole normand. Aujourd’hui, 20 hectares de sols argilo-calcaires et argilo-siliceux accueillent pommiers et poiriers hautes tiges, conduits en bio et travaillés dans le respect des traditions.
Poiré Fermier : l’élégance en bulles
Issu d’un assemblage de variétés anciennes et de jeunes poiriers – Plant de blanc, Champagne, Verdot, Fausset, De Cloche, Bézier… – ce poiré fermier se distingue par son authenticité. Fermentation naturelle avec levures indigènes, aucun sulfite ajouté, mise en bouteille sans pasteurisation ni gazéification : ici, tout est pur jus.
Dans le verre, la robe est pâle, translucide, animée d’une fine effervescence. Le nez charme immédiatement : poire fraîche croquée à pleine dent, fleurs blanches, une pointe d’agrumes et, en arrière-plan, une touche minérale presque crayeuse. En bouche, c’est la fraîcheur qui mène la danse. L’attaque est vive, délicate, avec une bulle fine qui caresse sans jamais agresser. La finale, nette et désaltérante, s’étire sur des accents légèrement miellés et une salinité qui appelle la gorgée suivante.
Un poiré vibrant, élégant et diablement rafraîchissant, parfait compagnon d’un apéritif estival, d’un plateau de fromages normands ou d’une cuisine iodée.