Début juillet 2025, l’Hérault a vu ses collines s’embraser. Les images sont saisissantes : hectares de garrigue partis en fumée, vignerons les yeux rivés au ciel, pompiers à bout de souffle. Mais derrière ces paysages calcinés, une autre réalité s’impose. Celle d’une filière viticole sous pression, où un incendie ne brûle pas seulement des ceps, mais menace des récoltes entières.

Quand le feu s’invite dans le verre

On pourrait croire que seuls les vignobles directement touchés par les flammes sont condamnés. Pourtant, le danger va bien au-delà. La chaleur intense fragilise les grappes. Mais surtout, la fumée s’infiltre partout. Invisible à l’œil nu, elle laisse des composés aromatiques volatils qui s’accrochent à la peau des raisins. Résultat : des vins marqués par un goût de cendre, ce que les Anglo-Saxons appellent le smoke taint.

Un phénomène insidieux, qui peut rendre une cuvée invendable. Car qui veut d’un rosé à la réminiscence de cheminée froide, ou d’un blanc qui sent le feu de camp ? Même des parcelles situées à plusieurs kilomètres d’un incendie peuvent être impactées, selon l’intensité et la direction des vents. Et dans ces cas-là, il ne suffit pas de vendanger pour effacer la trace. La fumée a déjà imprégné la pulpe et les peaux.

Des vendanges compromises avant même la récolte

Pour les vignerons, l’été 2025 s’annonce particulièrement incertain. Les incendies, en plus de détruire, accélèrent le stress hydrique. Les vignes, déjà fragilisées par la chaleur et le manque d’eau, ferment leurs stomates pour survivre. La photosynthèse ralentit, la maturité des raisins se fige. Entre grappes flétries par la chaleur et arômes altérés par la fumée, chaque jour compte pour savoir si la récolte sera sauvée… ou sacrifiée.

L’enjeu dépasse la simple perte de volume. Un millésime entier peut être remis en question. Les assureurs s’interrogent, les caves coopératives croisent les doigts, et les œnologues multiplient les prélèvements pour évaluer l’ampleur du smoke taint. Car une fois la vendange entrée en cuve, il est souvent trop tard pour corriger le défaut.

Déjà plusieurs avertissements brûlants

Ces incendies ne sont pas un phénomène nouveau. Les étés précédents avaient déjà été marqués par plusieurs sinistres. Récemment, on pense ainsi à l’incendie de Frontignan en août 2024, qui a ravagé environ 350 hectares et entraîné la perte d’une quarantaine de tonnes de raisin. Une dizaine de viticulteurs avaient été touchés de plein fouet, certains perdant la moitié de leur récolte et voyant leurs parcelles durablement fragilisées. Pour beaucoup, les stigmates de 2024 n’étaient pas encore effacés quand 2025 est venu rallumer la menace.

Le vin face au défi climatique

Les incendies dans le sud de la France ne sont pas une fatalité isolée. Ils s’inscrivent dans une tendance plus large, celle d’un climat qui s’emballe. En Australie ou en Californie, les producteurs se battent depuis des années contre le feu et ses conséquences sur le vin. L’Hérault fait partie de la liste de ces régions où la vigne vit sous tension permanente.

Certains domaines réfléchissent à des parades : zones coupe-feu entre les parcelles, choix de cépages plus résistants, vendanges anticipées, filtrations expérimentales pour limiter l’impact de la fumée. Mais ces solutions ont un coût et demandent une expertise pointue, difficilement accessible pour les petites exploitations.

Sauver le millésime… et la mémoire des terroirs

Boire un vin, c’est goûter un lieu, un climat, un millésime. Mais que reste-t-il de cette identité quand la fumée vient tout recouvrir ? Au-delà de l’impact économique, c’est une part du patrimoine qui vacille. Les vignobles de l’Hérault racontent une histoire faite de vent, de pierre et de soleil. Les voir noircis, ou sentir dans leurs jus une odeur de brasier, c’est un choc sensoriel et émotionnel.

Ces incendies rappellent que le vin n’est pas seulement une affaire de plaisir : il est un marqueur des équilibres écologiques, un révélateur des fragilités de nos terroirs. Face aux flammes, les vignerons se battent pour préserver plus qu’une récolte : la continuité d’un goût, d’une mémoire et d’une culture.

Et si cet été nous levons un verre de l’Hérault, ce sera peut-être aussi pour saluer leur courage, dans un millésime marqué une fois de plus par le feu.

Marie

Entre écriture et épicurisme, qui a dit qu’il fallait choisir ? Certainement pas moi ! J’ai donc exploré toutes mes passions au fil des années. La fac de droit pour les lettres d’abord. Puis l’école hôtelière pour la gastronomie. Et là, la révélation ! Je découvre le monde du vin et plonge tête première dans cet univers captivant. Au revoir les cuisines, bonjour la sommellerie et, pour parfaire tout ça, un master spé en vins et spiritueux.

Côté pro aussi, on sent une personnalité touche à tout. Je suis freelance dans les vins et spiritueux depuis 10 ans, le terrain de jeu idéal pour un esprit éclectique. Résultat d’une nature curieuse qui n’arrête jamais d’apprendre, j'ai appris à maîtriser en profondeur tout ce qui me fascine, est-ce qu’il ne serait pas temps de vous partager tout ça ?

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