Moins de restos, plus de dîners à la maison. Moins de bars bondés, plus de verres partagés à distance, derrière un écran. Depuis la crise du COVID-19, nos façons de boire du vin ont changé — discrètement, mais durablement.

Ce n’est pas seulement le contexte qui s’est modifié, c’est le rôle même du vin dans notre quotidien. D’objet festif ou statutaire, il est devenu marqueur d’intimité, témoin d’une hospitalité réinventée. Plus personnel, parfois plus politique, le vin ne se boit plus tout à fait comme avant.

Une sociabilité éclatée : le vin hors les murs

Pendant les confinements, les bouteilles ont continué à circuler. Mais elles n’atterrissaient plus sur les tables de restaurants étoilés ni dans les caves prestigieuses. Elles arrivaient par colis, par drive, par abonnement. Et elles s’ouvraient dans des contextes inédits : entre deux réunions Zoom, à l’heure de l’apéro virtuel, ou dans le silence d’un salon sans convive.

Le vin, jadis catalyseur d’échanges physiques, s’est transformé en lien symbolique. On trinquait « à distance », on offrait des bouteilles pour garder le contact, on commentait des arômes à travers un écran. Moins spectaculaire, plus introspectif.

Un rituel décentré, déformé. Mais toujours là.

La table comme espace de repli, et de réinvention

Privé des grandes tablées et des dîners d’exception, le vin est revenu à la maison. Non plus comme produit d’apparat, mais comme geste de soin, de convivialité immédiate. Il s’est glissé dans les apéritifs improvisés, les repas de semaine, les moments où l’on avait besoin de créer un petit « hors-temps » — même confiné. Le vin est redevenu un langage du quotidien. Moins codé, moins cérémoniel. Plus libre, plus spontané.

Et avec cette redomestication, c’est toute une culture de la consommation qui s’est déplacée. Le plaisir du vin ne passe plus uniquement par les grands noms ou les millésimes rares. Il passe par la narration, la provenance, le choix éthique. Qui produit ? Comment ? Pourquoi ? Le vin n’est plus seulement un goût : il est une prise de position.

De nouvelles voix émergent : un autre récit du vin

La pandémie n’a pas seulement modifié les lieux de dégustation. Elle a aussi redistribué la parole. En parallèle du silence des salons professionnels, d’autres voix ont pris le micro — plus jeunes, plus féminines, plus engagées : une caviste de quartier, une vigneronne indépendante, une créatrice de contenu passionnée. Certaines ont investi les réseaux sociaux, d’autres les newsletters, les podcasts, les lives confinés.

Ophélie Neiman (Miss GlouGlou), ancienne chroniqueuse vin du Monde, a transformé ses lives Instagram en rendez-vous pédagogiques et décomplexés, très suivis pendant le confinement.
Le collectif Les Culottées du Vin — vigneronnes engagées du Jura, de la Loire ou de l’Alsace — a renforcé sa présence numérique, offrant une parole collective sur l’agriculture, le goût et le genre.

D’autres initiatives, comme le podcast Raisin, les newsletters GlouGlou ou Les Échos Viniques, ont trouvé un public avide de récits humains, de transparence, de vin vivant.

Aux États-Unis, des figures comme Julia Coney ont profité de cette même période pour dénoncer le manque de représentation des personnes noires dans l’industrie viticole, en lançant le réseau Black Wine Professionals.

Toutes ces voix ont en commun de ne pas sacraliser le vin, mais de le rendre plus accessible, plus horizontal, plus politique. Dans cette transformation, le rituel de la dégustation s’est lui aussi assoupli. Moins d’obsession du bon verre, de la température exacte, de la bonne posture. Plus de curiosité, d’échange, de plaisir brut.

Boire du vin, c’est toujours raconter une histoire. Mais c’est une histoire que l’on réécrit à plusieurs voix.

Une culture du vin plus intime, plus politique

Ce retour à l’intime ne signifie pas un repli. Il marque au contraire une nouvelle manière d’habiter le monde à travers le vin. Une façon de revendiquer du lien, du sens, du temps long. Le choix d’un vin nature, local, biodynamique n’est plus un simple goût. C’est un geste. Une manière d’adhérer à un certain rapport au vivant, au territoire, à la transparence.

Le vin post-COVID ne cherche plus à impressionner. Il cherche à relier. Et parfois à réparer — des liens distendus, une convivialité abîmée, une mémoire collective marquée par l’isolement.

Boire ensemble, autrement

Le vin n’a pas disparu des usages sociaux, il les a simplement déplacés.
Des dîners chez soi plutôt que des réservations. Des bouteilles choisies pour l’émotion qu’elles suscitent, pas pour le prestige qu’elles renvoient. Des discussions franches, autour d’un verre, dans un salon, une cour, une visioconférence.

Boire du vin, c’est créer un espace. Le COVID a redéfini cet espace — plus mouvant, plus modeste, mais peut-être plus sincère.

Et si, finalement, le vin d’aujourd’hui nous ressemblait un peu plus qu’hier ?

Marie

Entre écriture et épicurisme, qui a dit qu’il fallait choisir ? Certainement pas moi ! J’ai donc exploré toutes mes passions au fil des années. La fac de droit pour les lettres d’abord. Puis l’école hôtelière pour la gastronomie. Et là, la révélation ! Je découvre le monde du vin et plonge tête première dans cet univers captivant. Au revoir les cuisines, bonjour la sommellerie et, pour parfaire tout ça, un master spé en vins et spiritueux.

Côté pro aussi, on sent une personnalité touche à tout. Je suis freelance dans les vins et spiritueux depuis 10 ans, le terrain de jeu idéal pour un esprit éclectique. Résultat d’une nature curieuse qui n’arrête jamais d’apprendre, j'ai appris à maîtriser en profondeur tout ce qui me fascine, est-ce qu’il ne serait pas temps de vous partager tout ça ?

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.