On dit parfois que la Corse est une montagne dans la mer. Mais autour de Sartène, c’est plus que cela : une terre à la fois âpre et somptueuse, minérale et caressante, où la vigne semble pousser à même la roche, entre ciel pur et maquis épicé. Quelques jours dans cette appellation confidentielle ont suffi à m’émerveiller. Et à me convaincre que l’AOC Sartène est bien l’une des pépites les plus singulières du vignoble corse.
Une appellation, huit vignerons, mille nuances
Ils ne sont que huit. Huit domaines à porter haut les couleurs de l’AOC Sartène, cette appellation qui s’étire entre mer et montagne, au sud-ouest de l’île. Un territoire exigeant, accidenté, où chaque vigne semble avoir été plantée à la main, pierre après pierre.
Ce nombre restreint, loin d’être une faiblesse, est une force : il permet un dialogue constant entre les vignerons, un soin méticuleux porté à chaque cuvée, et une diversité d’approches qui ne dilue jamais l’identité du lieu. Sartène ne cherche pas à plaire à tout le monde. Elle séduit ceux qui savent écouter.
Ici, les sols granitiques apportent aux vins une tension minérale unique, une verticalité rare dans les rouges comme dans les blancs. On est loin des puissances extrêmes ou des profils solaires sans nuance : à Sartène, tout est question d’équilibre. De respiration.
Sciaccarellu, ce caméléon magnifique
Mon coup de cœur, sans hésiter, va au Sciaccarellu. Ce cépage autochtone, longtemps mal compris, déploie ici une grâce inattendue. En langue corse, son nom évoque quelque chose qui « craque sous la dent » — une allusion à ses petites baies croquantes.
En vin, il offre une palette étonnante : des rouges délicats, souples, d’une finesse presque bourguignonne, mais sans jamais perdre leur caractère insulaire. C’est un vin de fruit, de lumière, de rondeur, avec ce qu’il faut de relief pour ne jamais devenir lisse. On y trouve des notes de cerise, d’herbes sèches, parfois une touche poivrée. Un vin de conversation. De partage. De repas sans fin sous une tonnelle.
Rencontre avec les visages du terroir corse
J’ai eu la chance de visiter plusieurs domaines, tous différents, tous passionnants. Voici ceux qui m’ont particulièrement marquée :
- Domaine Sant’Armettu
Un panorama à couper le souffle, des vins vibrants, et une vraie envie de raconter la Corse autrement. La gamme est large, avec des cuvées d’expression libre, sincères, enracinées. - Domaine Fiumicicoli
Une des références historiques de l’appellation. Ici, le respect des traditions va de pair avec une belle énergie dans les vins. Sciaccarellu, Niellucciu, Vermentinu s’y expriment avec pureté et profondeur. - Domaine Saparale
Un lieu spectaculaire, niché dans une vallée comme hors du temps. Les vins sont élégants, précis, souvent étonnants de fraîcheur. Et l’hébergement sur place ? À couper le souffle. - Domaine Pero Longo
En biodynamie depuis longtemps, c’est un domaine pionnier, avec une approche très aboutie de l’agroécologie. Les cuvées sont franches, vivantes, parfois radicales — et c’est ce qui les rend belles. - Castellu di Baricci
Une perle cachée au sommet d’un vallon, avec une hospitalité qui confine au luxe discret. Peu de cuvées, mais beaucoup d’âme, et un cadre absolument enchanteur.
Dormir au cœur du vignoble : deux expériences inoubliables
Domaine Saparale : élégance minérale
Le domaine Saparale a entièrement rénové ses bâtiments, et propose désormais des suites et chambres haut de gamme dans une maison en pierre, au cœur des vignes. Rien n’est ostentatoire, tout est pensé dans le moindre détail : literie exceptionnelle, matières nobles, vue à 180° sur les collines.
À partir de 180€/nuit environ en basse saison, plus en été. Petit déjeuner maison avec produits corses inclus.
Castellu di Baricci : charme rural et raffinement
Perché sur les hauteurs du vignoble, le domaine Castellu di Baricci abrite trois maisons de caractère – Le Chai, Les Anciennes Écuries et La Tonnellerie – toutes restaurées avec soin. Pierres sèches, poutres anciennes, mobilier choisi : ici, le luxe est discret, ancré dans la terre. On y vient pour le calme, la lumière dorée du maquis, et la proximité directe avec les vignes. Pas de vue mer, mais un décor naturel grandiose et totalement préservé.
Entre 1 090 € et 2 590 € la semaine, selon la maison et la saison. Chaque maison dispose d’un accès à une grande piscine partagée.
Deux styles, deux atmosphères. Et un même sentiment : celui d’être privilégié.
Entre vignes, huile d’olive et plages turquoise
L’oenotourisme à Sartène ne se limite pas aux vins. On y produit aussi une huile d’olive de grande qualité, douce et fruitée, que l’on retrouve souvent à la dégustation, en accord avec les vins blancs ou les charcuteries corses.
Et puis, il y a les plages. Sublimes. Sauvages. À quelques kilomètres à peine des domaines, on rejoint la baie de Propriano, ou plus loin encore les criques de Campomoro, Roccapina, Tizzano… Le sable est blanc, la mer limpide, et les maquis descendent jusqu’aux vagues.
Venir dans l’AOC Sartène, c’est un peu comme ouvrir un livre à voix basse. On y entend la mémoire des pierres, les échos du vent dans les chênes verts, et cette fierté tranquille de ceux qui travaillent la terre depuis des générations. Les vins sont beaux. Les lieux sont beaux. Mais ce qu’on emporte avec soi, surtout, c’est une sensation rare : celle d’avoir touché à quelque chose d’essentiel.
